Des épidémies dans l’ancien régime

Conférence de Françoise Hildesheimer le 4 novembre 2024

                    Le 4 novembre 2024, l’association Luçon Patrimoine Histoire Richelieu à repris le cycle de ses conférences mensuelles. La conférence de rentrée « les épidémies dans l’ancien régime » présentées par Madame Françoise Hildesheimer , historienne bien connue des luçonnais, s’est déroulée devant un public nombreux.

La peste est LA grande maladie de l’ancien régime, qui a vu à la fois sa présence et sa disparition en 1722.

Depuis l’Antiquité, certaines dates ont marqué l’histoire collective :

 -La grande peste d’Athènes au 5e siècle avant J. C. décime ses habitants.

 -De 168 à 189 la peste antonine ravage l’empire romain et fait mourir 1/3 de la population.

 -En 1346 apparaît la peste noire (ou la grande peste). Jusqu’en 1352, elle ravage l’Europe et tue 25 millions de personnes, soit, près de la moitié de la population.

 -La dernière manifestation de la maladie en France date de 1720. C’est la grande peste de Marseille.

D’où vient-elle et comment se propage-t-elle ?

                       La peste, transmise du rat à l’homme par les piqûres de puces, vient du sud oriental où elle est endémique ( la peste noire vient par exemple d’Asie centrale) et est propagée par les voies maritimes : le développement des échanges, les voyages lointains passent par la Méditerranée, favorisant ainsi sa propagation dans les villes portuaires.

En France, Marseille est la porte de l’Orient et donc la porte de la peste : elle a le monopole de l’entrée en France de toutes les marchandises provenant d’Orient et la maladie n’est pas toujours déclarée avant l’arrivée des bateaux. La peste est une possibilité permanente pour les populations urbaines et son caractère massif et foudroyant fait peur.

C’est pourquoi l’administration de Marseille développe l’intendance sanitaire (ce domaine relève de la police à l’époque et non de la médecine) : les bateaux doivent déclarer leur trajets, leurs escales et leur état sanitaire. Si nécessaire, les équipages sont mis en quarantaine sur les îles du Frioul. La seule protection est donc passive, par l’isolement. Mais elle est souvent contournée malgré les amendes et les contrôles policiers : certains capitaines soucieux de leurs cargaisons essaient de les vendre sous le manteau ou font de fausses déclarations. Grâce à ces mesures cependant, la peste est limitée en 1720 à Marseille, la Provence et le Languedoc.

De façon générale, les villes sont plus touchées que les campagnes (ce sont des espaces clos de murs), les pauvres plus que les riches, le Sud plus que le Nord occidental (les bateaux mettant plus de temps pour remonter l’Atlantique les cas de peste ont la possibilité de se déclarer) le temps de l’épidémie est plus court. En Vendée, la peste noire arrive via Nantes en 1348. On note au XVe siècle 8 épisodes de peste, 8 également au XVIe siècle et 4 au XVIe siècle. La dernière mention de la peste dans la région date de 1640. Le pays est relativement protégé et n’a pas connu de réel cataclysme.

La dernière épidémie ayant touché tout le royaume date de 1629-1630 sous Louis XIII. Richelieu doit alors intégrer la maladie à sa politique de guerre contre les Habsbourg. Il l’utilise aussi au sens figuré dans ses discours politiques (notamment son testament politique). Il parle ainsi des maladies du Royaume dont il faut le guérir, des pestes d’Etat que sont les courtisans qui, par leurs flatteries pernicieuses, vont contaminer le roi etc … Il y a omniprésence de la peste au sens propre comme au sens figuré dans le domaine politique.

En conclusion, la découverte du bacille de Yersin ne se fera qu’au XIXe siècle, une fois la peste quasiment disparue de nos régions. Mais le réflexe de l’isolement reste très présent face à une menace sanitaire, comme on l’a vu avec le confinement mondial lors du COVID-19.

Après quelques questions, toute l’assemblée s’est retrouvée pour le premier verre de l’amitié de cette nouvelle année culturelle. 

1- Pour en savoir plus : Françoise Hildesheimer, « Des épidémies en France sous l’Ancien Régime », Nouveau Monde Editions, 2021, 200 p.

Françoise HILDESHEIMER est conservateur générale honoraire de Patrimoine, historienne spécialiste de Rihelieu

Explication complémentaire : Habits des Médecins lors de la peste

                  Ce mode de protection est ancien, puisqu’en 1619, Charles de l’Orme, médecin de Louis XIII, avait imaginé un costume composé d’une chemisette de peau rentrant dans des culottes   également de peau que venait recouvrir de hautes bottes à l’anglaise ; le tout était revêtu d’une longue robe en maroquin du Levant. De l’Orme ne restait jamais sans s’introduire dans la bouche de l’ail, dans le nez de la rose, dans l’oreille de l’encens et sans mettre sur les yeux des bésicles. Il revêtit un masque également en maroquin et y attacha un nez long d’un demi-pied et rempli de parfums, afin de détourner la malignité de l’air. Les mains étaient protégées par des gants de peau emprisonnant le bas des manches du        manteau. C’est ce masque de de l’Orme auquel on a ajouté des yeux de cristal, que les médecins marseillais portaient lors de l’épidémie de 1720 (Larousse médical illustré,1924)

Gravure extraite du traité de la peste par le Docteur Manget (1720).

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