par Pierre GIBAUD

Le 7 avril, l’avant-dernière conférence de l’année 2024-2025 a été consacrée au Marais Poitevin. M. Pierre Gibaud en a retracé l’historique devant une très nombreuse assistance, en s’appuyant sur une riche documentation.
Le Marais Poitevin, où vivent 100000 habitants, est la deuxième zone humide de France et s’étend pour moitié en Vendée, pour un quart dans les Deux-Sèvres et pour un quart en Charente-Maritime. On y trouve quatre types de paysages : le marais mouillé, le marais desséché, le marin maritime et les îles calcaires.
Jusqu’à l’an 1000, c’était un marécage naturel formé au cours des millénaires par le comblement de la zone littorale : les cours d’eau comme le Lay et la Sèvre Niortaise y apportent des alluvions argileuses. Il est stabilisé à l’époque romaine.
De 1000 à 1350, période chaude, la population est en augmentation. Il faut la nourrir. Les abbayes et les Templiers assainissent le marais. Pour le transformer en terre cultivable, on creuse deux canaux parallèles dont la terre constitue une digue appelée” levée”. Pour arrêter le sel, on invente les portes à flots. La levée, avec de chaque côté un canal, sépare le côté marais desséché (pour le labourage) et le côté marais mouillé (pour le pâturage) et isole ainsi les futurs terres cultivables. Des canaux intérieurs de dessèchement complètent le maillage. Le marais mouillé est inondable l’hiver.
À partir de 1350, le refroidissement climatique, la grande peste qui tue la moitié de la population, la guerre de Cent Ans entraînent l’arrêt de l’entretien du Marais.
A la fin du 16e siècle, Henri de Navarre, soucieux du bien-être du peuple, charge Humphrey Bradley, un ingénieur flamand, de remettre en état les canaux (1599)
Puis en 1641, Richelieu nomme Pierre Siette administrateur. En 1646, celui-ci impose une structure unique et efficace, encore en vigueur de nos jours : chaque société d’assèchement et d’exploitation doit tenir des assemblées générales avec un directeur et des investisseurs associés. Le marais du Bas-Poitou est le premier ainsi organisé. Trois siècles plus tard, 41 syndicats fonciers ont toujours le même fonctionnement. Pierre Siette fait creuser 75 km de canaux en trois ans et engage des travaux colossaux : il a fallu, par exemple, pour assécher le marais de Vix-Maillezais, créer les passages en siphon du canal de Vix sous la rivière l’Autise. Le sol meuble du Marais exige des constructions sur soubassement en pieux de chêne, Maillé et l’Ile d’Elle s’ornent d’aqueducs etc…
Au 19e siècle Napoléon veut faciliter la navigation fluviale et rendre la Sèvre navigable : par le décret du 23/12/1808, il fait construire 9 barrages-écluses sur la Sèvre avec un tirant d’eau minimum et un tirant d’air pour la motorisation à voile. En 1840, la Vendée devient à son tour navigable jusqu’à Fontenay.
Comment le marais est-il géré ? Le huttier a la charge de surveiller les levées et les canaux. Selon les plans de dessèchement, une “cabane” représente une exploitation de 50 hectares environ. La maison est en torchis, très simple, avec une partie pour les animaux, une pour le logement, la troisième pour le cellier. Elle est basse à cause du vent. La maintenance est continuelle : il faut lutter contre l’érosion des berges, l’invasion de végétaux, l’envasement des canaux, (invention du bac à râteau).
Sous Louis-Philippe, on creuse de nombreux canaux pour évacuer le plus possible les eaux du marais mouillé vers la mer. Bien entendu, les exigences hydrauliques sont souvent contradictoires entre le marais mouillé et le marais desséché : en 1960, on a essentiellement des pâturages, en 2008, des cultures (SIEMP : système d’information sur l’eau du Marais Poitevin).
Le canal de Luçon, ruisseau de 14 km qui amène à la mer le trop-plein de la nappe phréatique à la particularité d’être à la fois un fleuve côtier, un canal du marais mouillé, un canal du marais desséché et un canal maritime.
Après quelques questions, auxquelles M. Gibaud a très obligeamment répondu, la réunion s’est terminée autour du verre de l’amitié.