Le thème de la conférence du 8 avril choisi par Monsieur Olivier Schelle1 « Des énergies du passé à celles du futur » »a pu dérouter le public, habitué à entendre parler de l’histoire et du patrimoine vendéens. Pourtant, l’énergie sous ses diverses formes fait partie de notre patrimoine, et un patrimoine en grand danger.
Jusqu’au milieu du XIXème siècle en effet, les hommes utilisent des énergies renouvelables pour se nourrir, se déplacer, travailler. Ce sont les forces humaines et animales, l’eau et le vent. Il y a par exemple alors en Vendée 1350 moulins à vent et 650 moulins à eau qui représentent 95 % des sources d’énergie des 382 000 habitants. Ce sont des sources inépuisables.
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1850 marque le début de l’industrialisation et l’usage exponentiel des énergies dites « fossiles » (charbon, gaz, pétrole). Ces énergies sont, elles, limitées en quantité et arriveront à manquer. Et cela, pour trois raisons. La première est l’augmentation de la population (1,3milliard d’habitants en 1850, 8,3 milliards en 2023) et de ses besoins croissants. Ensuite, l’énergie est ce qui permet le changement d’état des choses. Et toutes les énergies peuvent se transformer en une autre avec une perte de rendement (sous forme de chaleur) quelquefois très importante. Ainsi une centrale hydroélectrique a un rendement final de 60 à 80 %, une centrale thermique (charbon, fuel, gaz) de 25 à 30 %, une centrale nucléaire de 84 %. Enfin, l’énergie n’est pas recyclable : une fois utilisée, elle est perdue et ne peut donc être réutilisée.
Les sources d’énergie sont en ordre décroissant : le pétrole (30,95%), le charbon (26,90%), le gaz (24,42%), la biomasse (4,80%), l’hydraulique (2,40%) , le nucléaire (1,47%), l’éolien (1,22%), le solaire (0,72%) et divers. Cela constitue le mix énergétique mondial.
La consommation mondiale d’énergie en 2022 est de 177 760 TW par an, soit 485tep par seconde (tep : tonne équivalent pétrole). C’est comme si 22 camions de pétrole partaient en fumée chaque seconde. Les pays du G20 représentent 80 % de la consommation mondiale d’énergie mais ils n’ont trouvé le 28 juillet 2023 aucun consensus pour une diminution de la consommation des énergies fossiles qui représentent, fin 2022 , 82,76%du mix énergétique.
Or, à consommation constante d’aujourd’hui, les réserves des combustibles fossiles sont pour le pétrole de 56 ans, le gaz de 54 ans et le charbon de 139 ans. Autrement dit, leur épuisement est pour demain. Leurs fournisseurs en vendront-ils encore à tout le monde quand ils en manqueront aussi ? Pour rappel, l’Europe importe 85 % de son gaz, 95 % de son pétrole, 45 % de son charbon. Enfin, les conditions d’extraction sont de plus en plus difficiles (il faut creuser de plus en profond) . Elles demandent donc de plus en plus d’énergie et coûtent de plus en plus cher à produire. L’Europe va donc sortir de l’énergie pas chère et cela durablement.
Quant aux autres sources d’énergie dites renouvelables, elles ne sont pour le moment ni suffisantes ni rentables. L’éolien et le solaire sont loin d’atteindre les rendements attendus malgré les progrès du matériel. Il faudrait qu’ils augmentent de 41 % chaque année jusqu’en 2030 pour arriver aux données fixées. Ce qui est actuellement hors de portée. L’hydrogène représente uns solution intéressante de stockage de l’énergie si on peut l’utiliser sur place mais à part quelques sites de gisement d’hydrogène naturel, il faut le fabriquer et donc utiliser du gaz et du charbon. Enfin son transport et son stockage, comprimé ou liquéfié, demandent beaucoup d’énergie. Il est à réserver à l’industrie, en particulier à la sidérurgie qui en a besoin pour remplacer le charbon et à la mobilité lourde (camions, bateaux, ferroviaire non électrifié). Enfin, de 2000 à 2022, l’hydraulique a chuté de 18 à 15 % et le nucléaire de 17à 9,6 %. Le parc français de 56 réacteurs, construit entre 1979 et 1988, vieillit et ne dépassera pas 2040. Les dix années à venir ne pourront compter sur cette énergie qu’avec parcimonie.Il faut de plus en moyenne 9 ans pour construire un réacteur et autant pour former des professionnels hautement spécialisés. Enfin il faut tenir compte aussi de l’opposition d’une partie de la population. Le nucléaire (fusion et fission de 4ème génération) est pourtant la seule façon d’obtenir suffisamment de puissance pour faire face au remplacement des énergies fossiles. La Russie et la Chine l’ont bien compris.
Monsieur Schelle a terminé sa conférence en évoquant rapidement les conséquences de cette débauche d’énergie et donc de CO2 sur la nature et le climat. Les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de 43 % d’ici à 2030 pour limiter le changement à 1,5 degré. Or les politiques mondiales actuelles conduisent d’après les météorologues à un réchauffement de 2,7 à 3,5 degrés d’ici à 2100. Sachons qu’aujourd’hui à +1,2 15 % des coraux meurent et 10 % des arbres de nos forêts françaises sont en détresse hydrique et mourront dans les 5 à 10 ans. A 2 degrés d’augmentation, c’est la mort de tous les coraux et de la moitié des arbres en France (plus de hêtres ni d’épicéas) et les récoltes sont réduites de 30 %. A +2 degrés, c’est l’insécurité alimentaire généralisée et l’exode de milliards d’habitants.
Que faire alors ? Nous n’avons que 4 leviers pour diminuer notre empreinte carbone : la sobriété (démarche volontaire de simplification et d’élimination du superflu), l’efficacité (rendement maximum de l’outil auxiliaire de l’homme), les renouvelables (hydraulique, éolien, solaire, biomasse,nucléaire) et le législatif (arbitrer les voies prioritaires et celles qui ne le sont pas et devront être en partie ou complètement abandonnées).
Devant ce tableau sombre de ce qui nous attend, Monsieur Schelle veut faire confiance aux nouvelles générations. Et c’est sur cette note optimiste que le public (il en a grand besoin!) se retrouve autour du verre de l’amitié.
- Ancien Officier de la Marine Marchande ↩︎