Jardin Dumaine : évolution 1873-1879 (quatrième épisode)




Lorsque la municipalité hérite du jardin en 1872, il ressemble déjà beaucoup à ce que nous connaissons aujourd’hui. La disposition générale, l’essentiel des plantations d’arbres et des allées sont l’œuvre de P.H. Dumaine. Mais la ville doit donner à ce qui est un jardin privé les caractéristiques d’un jardin public, c’est-à-dire en supprimer l’aspect pratique et utilitaire (potager, vigne,etc…) pour développer le parc et les parties ornementales, offrir des animations à la population.

Plan de la propriété Dumaine en 1845

Toujours pressé, le maire avait avisé le Conseil, le 12 janvier 1873, qu’il avait contacté de son propre chef un jardinier paysagiste de Nantes, monsieur Provost, pour qu’il traçât un plan d’ensemble. Pour une raison inconnue, l’idée a été abandonnée avant même d’être soumise à la délibération.

De même, le 3 août 1873, M. Gaudineau soumet son nouveau projet : créer une promenade d’hiver en prolongeant à travers la prairie l’allée qui longe les marronniers (qui n’existent plus aujourd’hui). Le Conseil, plus pragmatique, douche son enthousiasme : « il verrait avec plaisir qu’on ne fit aucun changement sérieux avant de pouvoir agir en conformité d’un plan d’ensemble  … et que dès à présent, on abatte les arbres verts qui sont morts et qui masquent les marronniers ». Lors de cette séance une commission de quatre membres est créée pour décider avec l’administration les modifications urgentes à faire.

L’orangerie

Orangerie en 2024

Les premiers travaux concernent une nouvelle orangerie, celle existant déjà (au niveau du théâtre de verdure actuel) étant considérée comme insuffisante. À la séance du 21 février 1874, on décide donc d’en construire une autre le long de l’allée Saint-François. Les plans et devis seront rapidement soumis à l’approbation du conseil, l’Orangerie devant être terminée et mise en service pour l’hiver suivant. M. le maire est toujours pressé !..



Aux chapitres additionnels du budget de 1874, 10000 francs sont attribués à l’orangerie et 800 francs pour la confection des caisses des orangers et des citronniers. Mais le 11 février 1875, le devis s’élève déjà à 12000 francs. le Conseil renvoie le projet devant la commission du jardin public et réserve sa décision.



Le 2 juin 1875, M. le maire est dans une impasse. La commission de l’orangerie n’a pas pu prendre de décision : elle est en effet divisée devant 2 projets, l’un proposé par monsieur Charrier, architecte, qui ne comprend pas les frais imprévus, et l’autre par la maison André et Fleury de Paris qui a donné son engagement à forfait. Après examen des plans et devis et un vote à bulletin secret, le Conseil choisit le second projet, en envisageant cependant la possibilité de faire baisser les prix (comme toujours …). Puis il vote un emprunt de 60000 francs dont 15000 francs pour l’orangerie.

A la séance extraordinaire du 14 juillet, M. le maire propose à l’adoption du Conseil municipal le traité présenté par MM. André et Fleury de Paris pour les frais de serrurerie (fonte pour la balustrade)1 d’un montant de 7700 francs et le devis de M. Ballereau pour les travaux de maçonnerie, peinture et vitrerie s’élevant à 6661 francs. soit un total de 14161 francs. Le Conseil donne son approbation. Le paiement est prévu pour le 31 mars 1876.

Une dépense supplémentaire de 200 francs sera votée le 19 février 1877 pour couvrir de claies les panneaux vitrés de l’orangerie, les orangers et les plantes souffrant de l’action directe du soleil.

Autres aménagements.

Le 2 juin 1875, le Conseil vote le règlement de la facture de M. Boutard, pépiniériste à La Rochelle, qui a fourni des arbres et arbustes. Avec la main d’œuvre celle-ci s’élève à 642 francs. Il vote également l’établissement d’une pompe dans le jardin publique pour 1500 francs.

Le 23 décembre 1876, le Conseil vote la démolition du pavillon chinois attenant aux quinconces et à l’allée de charmille, considéré comme vétuste, inutile et gênant pour la perspective .

Les bois taillis2 : comme tout jardin privé important, le jardin comporte des bois taillis, c’est-à-dire des arbres fournissant suite à leur taille régulière les stères de bois nécessaires au chauffage de la maison. Le 19 février 1877, M. Jaud, adjoint, souligne la nécessité de procéder à des coupes comme le faisait M. Dumaine. Le Conseil se prononce sur l’ajournement de la mesure en attendant l’avis de « personnes réellement compétentes sur la meilleure marche à suivre ». Ce qui n’est guère aimable pour M. Jaud.

Le 7 décembre, M. Jaud revient à la charge. « Le moment approche où il va falloir procéder à l’abattage de certaines parties du bois du jardin public ». La commission des plantations est désignée pour aider l’administration dans cette opération.

Ce n’est que le 21 février 1879 que la décision est prise sur l’avis de M. Marchand, garde générale des eaux et forêts à Fontenay. Il est urgent, selon lui, de procéder aux coupes si on ne veut pas voir détruire le bois. Le Conseil décide alors que ce travail sera immédiatement entrepris en ménageant les perspectives du jardin. La vente du bois à différents acheteurs rapportera 130 francs à la ville .

Au budget 1877, sont alloués 1500 francs pour la reconstruction du pont du jardin public et l’acquisition de bancs.

Les animations.

Outre l’air pur et les grands espaces, le parc doit offrir des distractions à la population.

  • Les animaux

On connaît seulement dans ces années-là leur présence par le coût de leur nourriture s’élevant à 150 francs par an. Dans les délibérations municipales, on n’a aucun détail sur le lieu qu’ils occupent, leur nombre et leurs espèces. Les années suivantes seront plus explicites.

  • La société philharmonique.

le 21 février 1874, est fait mention pour la première fois d’une société philharmonique. La ville vote un budget de 1100 francs pour acheter des instruments de musique. Un an plus tard, le Conseil, à la séance du 11 février 1875, entérine le changement de chef de musique M Reyen, professeur de musique, pour cause de départ à la retraite. Et le 2 juin la société philharmonique demande une subvention pour rétribuer le nouveau chef M. Hoenig qu’elle vient de recruter. Le 5 novembre 1875 il est question de dépenses pour l’éclairage. Et aux chapitres additionnels du budget 1877, on note la construction d’une estrade pour la société philharmonique d’un montant de 330 francs et 500 francs alloués pour l’éclairage .

  • La fête d’illumination du jardin public3

Le 1 août 1879, M. Deshayes, maire, soumet au Conseil le traité conclu entre l’administration municipale et M. Kervella, artificier à Nantes. Celui-ci s’engage à faire une fête d’illumination le 24 août, jour des courses, pour la somme de750 francs. Le marché est accepté. Cette animation deviendra rapidement un incontournable des festivités luçonnaises.

A combien revient l’entretien du jardin ?.

La session du 7 juin 1878 nous donne le tableau des dépenses prévues pour 1879 :

Salaire du portier800 francs.
Salaire du jardinier800 francs.
Entretien du logement du portier et du jardinier100 francs.
Entretien de l’orangerie et chauffage50 francs.
Entretien des plantations, pelouses, allées1500 francs.
Entretien des pompes et puits50 francs.
Nourriture des animaux 150 francs.
Assurances contre l’incendie : 150 francs.157 francs.
Total3457 francs

Comme vous le savez déjà, le 12 août 1875, le jardin prend officiellement le nom de son donateur et devient « le jardin Dumaine ».

Un second bienfaiteur, M. Julien David jouera un rôle important dans l’embellissement du jardin. Mais cela est une autre histoire.

Portrait Julien David
  1. Le 17 août 1875, une correspondance du maire envoyée à MM André et Fleury indique que la balustrade de la serre sera en fonte. Cette balustrade n’existe plus en 2024. ↩︎
  2. Définition du bois taillis d’après l’encyclopédie Quillet de 1934
    Le bois taillis ou taillis est un bois crû sur souches ou par rejetons , que l’on coupe de temps en temps : – Jeune taillis, que l’on coupe tous les dix ans.
    – Moyen taillis, celui qu’on coupe de quinze à vingt-cinq ans.
    – Haut taillis, celui qu’on coupe au bout de trente à quarante ans. ↩︎
  3. A cette occasion, le 22 juillet 1879, une correspondance du maire adressée à M. Kervella permet de connaître le nombre de bougies, de lanternes, de verres de couleurs, 20 kilos de feu de bengale, un feu d’artifice et deux torchères pour les deux vases ainsi que leur position dans le jardin ↩︎

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