Jardin Dumaine : Le nouvel Hôtel de ville Deuxième épisode.

Maison Dumaine

Maintenant que la succession est réglée, M Gaudineau, maire, est pressé d’ouvrir le jardin au public et d’installer le nouvel Hôtel de ville. La date en a été fixée au 1er mai 1873, dans moins de quatre mois !.. Quitte à bousculer ces Messieurs du Conseil (en toute légalité bien entendu) il est déterminé à mener promptement les choses . À la séance extraordinaire du 12 janvier 1873 il les informe donc qu’il a chargé de son propre chef M.Provost, jardinier paysagiste de renom à Nantes, de tracer un plan d’ensemble du jardin. On garderait le terrain, entre la maison d’habitation et l’allée Saint-François, en intégralité, pour ne pas nuire à la propriété de la ville d’autant que les finances le permettent. L’assemblée sera libre bien entendu d’accepter, de modifier ou de rejeter le projet lorsqu’il lui sera présenté. M le maire est pressé mais il respecte les règles et ménage les susceptibilités . Et à la séance suivante du 28 février, M Gaudineau fait observer que dans l’intérêt même de la conservation de la maison Dumaine et selon la volonté expresse de son donateur, il est urgent de s’occuper d’y installer le nouvel Hôtel de ville. Il faut lancer les travaux.

Démolition de l’ancienne mairie

Lors de la séance du 19 septembre 1872, la mairie est décrite comme « de vieux bâtiments qui, prochainement, nécessiteraient une reconstruction dont la dépense serait considérable ». Pendant la révolution en effet, La mairie a été installée dans une maison déjà existante place Belle Croix.

Si l’on tient compte d’autre part :

-de la célèbre réflexion du Cardinal de Richelieu « J’ai bien le plus vilain évêché de France, le plus crotté et le plus désagréable »

-de l’avertissement du général républicain Huché, en 1794, à la municipalité : «  Je vous préviens aussi que je suis fort mécontent de la malpropreté de votre cité qui regorge de saleté boueuse »

-du comte Emilien de Monbail1 dans ses « notes et croquis sur la Vendée »  « Luçon n’est plus aujourd’hui qu’un amas hideux de maisons mal bâties »,on comprend ainsi la volonté de P. H. Dumaine de  contribuer à l’embellissement et à l’agrément  de la ville de Luçon en faisant « raser le plus promptement possible les bâtiments et servitudes de la mairie actuelle ». Cela dégagera la façade du clocher de la cathédrale. Et avec les belles maisons que feront construire deux autres bourgeois luçonnais messieurs Vrignaud et Jarlot, «  la grande place offrira de ce côté un aspect régulier et du plus agréable au public » .

Cadastre 1845 Maisons Jarlot et Vrignaud

La grande place dont il est question est la place la Belle-Croix. La place Belle Croix ainsi nommée en 1526 lorsque le Chanoine Jean de Bon y fit construire un magnifique calvaire orné de statues. Démoli en 1568 par les protestants pendant les guerres de religion et reconstruit, il fut à nouveau détruit en novembre 1793 par les Jacobins de Luçon qui considéraient la croix comme un symbole de superstition. Le calvaire ne fut pas relevé mais le nom de la place Belle Croix ou place d’Armes subsiste jusqu’en 1948.2 C’est aujourd’hui la place Leclerc.

M Ballereau,architecte municipal, soucieux de limiter les frais a l’intention de réemployer le plus possible les 500 m3 de matériaux. Cela viendra donc en déduction de la facture des travaux qu’entraîneront la rénovation et l’installation du nouvel Hôtel de Ville.

L’hôtel de ville.

M Ballereau avait établi l’année précédente un premier rapport chiffrant la démolition des vieux bâtiments et la transformation de la maison Dumaine en Hôtel de Ville. L’architecte avait vu grand, le devis s’élevait à la somme considérable de 25000 francs

Le 28 février, donc, M Gaudineau soumet un nouveau projet : les maisons louées à MM Giraud et Vinçonneau seraient affectées au logement du secrétaire et du concierge, ce qui ferait une économie notable et permettrait de maintenir la maison dans son intégrité, en rapport avec le jardin et l’importance de la ville . Ce projet soulève d’âpres discussions entre ceux qui veulent qu’on fasse les choses grandement pour ne pas y revenir ni avoir de regrets tardifs et ceux qui plaident en faveur de l’économie en gardant le loyer des maisons Giraud et Vinçonneau et en utilisant ce qui existe et serait réaménagé. On logerait le secrétaire dans la partie de la maison à reconstruire et le concierge dans la servitude du fond de la petite cour. Ne parvenant pas à un accord, le Conseil décide sagement de ne rien décider et de se rendre à la maison Dumaine pour juger sur place. La suite des débats est renvoyée au lundi suivant 3 mars

Maisons Giraud et Vinçonneau cadastre 1845

Le 3 mars donc, Monsieur le maire, très content de lui « se félicite qu’on n’ait pas accepté le projet soumis à la précédente séance » car après mûre réflexion il en est arrivé à un 3e projet : il propose une organisation provisoire . On fait faire seulement les travaux indispensables dans la maison (reconstruction de la façade au midi, grosses réparations de plancher, cloison etc…), on aménage la loge du concierge au fond de la cour et M Chartron, secrétaire de mairie, habitera provisoirement les appartements de la famille Dumaine. Le cabinet de M Dumaine deviendra son cabinet particulier, les expéditionnaires3 se tiendront dans la salle à manger et le grand salon servira de salle de délibération et de mariages.

M Gaudineau insiste sur le caractère provisoire et économique de ces dispositions : elles permettent de respecter la volonté du donateur tout en se donnant du temps pour réfléchir à l’organisation et à l’installation définitive de l’Hôtel de Ville. Et le montant des travaux s’élèverait à environ 6000 francs, somme relativement faible. Après s’être fait donner quelques précisions, le Conseil adopte ce plan à l’unanimité.

Lors de la séance du 10 mars, M Gaudineau présente le plan des aménagements à faire à la maison Dumaine et le devis de M Ballereau : il s’élève à 6985 f, somme que Monsieur le maire, toujours soucieux des finances publiques, espère ne pas voir atteinte. Pressé par M Gaudineau, qui veut installer la nouvelle mairie pour le premier mai suivant le Conseil accepte le plan et le devis.

L’installation se fait dans les temps. Le 25 mai a lieu la première séance dans le nouvel Hôtel de Ville. Cela vaut la peine de reproduire le vote de remerciement à M Dumaine :

« Avant toute délibération, M le Maire propose au Conseil siégeant aujourd’hui pour la première fois dans le nouvel Hôtel de Ville, de payer à la mémoire de monsieur Dumaine un juste tribut de reconnaissance et de remerciements pour le legs constitué à la Commune de Luçon ».

Cette motion est accueillie avec empressement par l’unanimité du Conseil.

M le Maire témoigne ensuite « la satisfaction qu’il éprouve de présider cette inauguration à la tête d’une assemblée avec laquelle il a marché et marchera toujours, espère-t’ il en complète harmonie » On ne peut mieux parler.

Suite au prochain épisode.

  1. Notes et croquis sur la Vendée en 1843. Edition pays et terroirs ↩︎
  2. Ces renseignements nous viennent de Louis Gauffriau dans sa « Promenade historique à travers les rues de Luçon. ↩︎
  3. (Dictionnaire encyclopédique Quillet 1934)
    Expéditionnaire :
    -Celui qui est chargé par un autre de faire un envoi de marchandises ;
    -Celui qui fait habituellement des envois de marchandises pour le compte d’autrui
    -Commis aux écritures chargé de faire les copies, les expéditions.) ↩︎

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