L’histoire de Luçon résulte de l’interaction de trois éléments qui sont chacun l’amorce d’un aspect de celle-ci :
- le port de Luçon
- l’évêché de Luçon
- l’étape et le centre administratif sur le trajet routier d’Est en Ouest, entre bocage et marais.
Le port de Luçon
II est à l’origine de la ville.
Établi sur l’un des ruisseaux descendus de la plaine calcaire vers le golfe des Piétons. Chaque ruisseau a généré une bourgade avec son port.
Au VIIème siècle, St Philbert, venu de Noirmoutier, fonde un monastère bénédictin sur le ruisseau de Luçon.
Au XIIIème siècle, pour obvier aux débordements de la rivière Vendée à Fontenay-le-Comte, le roi Philippe le Hardi (1270-1285) prescrit le creusement d’un canal (l’achenal le Roi) permettant de détourner les crues de la Vendée sur le ruisseau de Luçon, consacrant ainsi la primauté de celui-ci. Luçon bénéficie désormais d’un canal à double fonction :
- hydrographique : il s’inscrit dans le réseau de drainage des marais.
- commerciale : le port s’est établi au fond du canal, au contact de la ville.
Dès l’origine, le port, précieux pour le commerce local compte tenu des réseaux routiers embryonnaires manifeste une tendance au recul vers la mer, guetté qu’il est par l’envasement. D’où la succession de plusieurs positions du port. Plan de 1704, (projets de 1782 et 1806).
La marée remonte jusqu’à Luçon. Elle y porte les navires et les en retire. Les canaux du marais afférents au canal sont commandés chacun par une « porte ».
Les berges du canal sont utilisées comme chemin de halage ou comme voie quasi routière (exemple : guerres de religion, sièges de La Rochelle).
La propriété seigneuriale du canal et du port, partagée entre le chapitre cathédral de Luçon et le seigneur de Champagné, ne favorise guère le bon entretien de la voie d’eau. La « transaction » de 1760 l’attribue au seul chapitre des chanoines de Luçon qui construisent alors une écluse (les portes du chapitre) pour maintenir un niveau d’eau constant dans le canal et le port.
A la période classique, le port est le poumon économique de la contrée, avec un commerce à l’exportation de blé, poterie, bois de construction navale et à l’importation de vins, matériaux de construction et produits manufacturés. Seul le quai Ouest est occupé (c’est le quai des entrepôts). Un petit quartier industriel (quartier St Sauveur) lui est accolé (tannerie, voilerie, four à plâtre).
A la révolution, le trafic du port s’intensifie : la voie d’eau est plus sûre que la voie terrestre.
Mais c’est avec la révolution industrielle du XIXème siècle que l’importance du port s’accroit : le quai Est (quai des usines) est occupé et il s’y développe une industrie moderne : minoterie, sucrerie, fonderie, noir de fumée. La Grande Usine est construite en 1860. L’expansion industrielle (1830 – 1870) enrichit la ville.
L’arrivée du chemin de fer à Luçon (1870) capte les activités économiques et entraine le déclin du port que ne compense pas sa desserte par voie ferrée (1881).
Dès lors l’activité le déserte. Un dernier navire y accède en 1934. Réputé insalubre, le port est comblé dans les années 1970. L’emplacement du port de Luçon donne lieu périodiquement à divers projets de réhabilitation.
L’évêché de Luçon
Le diocèse est fondé en 1317 par le pape Jean XXII par démembrement du vaste et ancien diocèse de Poitiers. Deux nouveaux diocèses résultent alors de la transformation en évêché des abbayes de Maillezais et de Luçon, celle-ci entrée d’ailleurs en compétition avec celle de Saint-Michel-en-l’Herm. Le diocèse de Luçon correspond alors aux 2/3 de l’actuel.
Les bâtiments comprennent essentiellement
- la cathédrale dont l’évolution a été complexe :
- le transept Nord est du XIIème et date de l’abbaye primitive.
- la nef est de la fin du XIIIème
- le choeur du XVème. (vers 1481)
- la sacristie du XVème.
- les chapelles Nord du XVIIIème.
- les chapelles Sud ont été prises sur le cloître (XVIème).
- la façade de la fin du XVIIème
- le cloître (XVIème).
- l’évêché (XIIIème XIXème).
L’évêque : jusqu’à l’époque actuelle 46 évêques se sont succédé sur le siège épiscopal de Luçon. Le plus illustre d’entre-eux est Richelieu (1606-1623).
L’activité pastorale de l’évêque s’exerce en particulier par la visite périodique des paroisses de son diocèse.
Sous l’ancien régime, l’évêque est aussi seigneur laïc (baron) de Luçon (depuis le XVIème siècle).
Pendant les guerres de religion, la cathédrale est dévastée à plusieurs reprises (1568, 1570, 1622).
A la révolution le diocèse disparaît et le clergé est exilé. Rétabli en 1821 le diocèse s’identifie désormais au département et l’évêque est confronté aux luttes politiques de l’époque qui s’apaisent après la Grande Guerre (1914-1918).
Le chapitre cathédral : c’est le successeur des moines groupés autour de l’abbé. Les chanoines qui constituent le chapitre sont groupés près de l’évêque. Ils jouent d’une part un rôle purement ecclésiastique (récitation de l’office, organisation des cérémonies, conseil de l’évêque). D’autre part ils gèrent aussi un patrimoine (la mense) accumulé au cours des siècles : fermes dans le marais, canal de Luçon, maisons à Luçon. Le chapitre cathédral est un moteur de l’économie luçonnaise.
A la révolution, le chapitre est dissous, ses biens vendus et les chanoines exilés.
Au rétablissement de l’évêché (1821), le chapitre est restauré dans ses seules fonctions écclésiastiques.
Luçon ville étape et administrative
Etape sur le trajet d’Est en Ouest, entre le bocage impénétrable et le marais impraticable, la «traverse » de Luçon, insérée dans le réseau routier de Trudaine (vers 1750), aligne une vingtaine d’auberges au XVIIIème siècle. Ce qui avec la présence des établissements d’enseignement dirigés par le clergé (Ursulines, Union Chrétienne, séminaire-collège), des résidences d’hiver de la noblesse (une vingtaine aussi), des fermes en ville et des artisans correspondants donnent à la ville son aspect de gros bourg rural.
Disputée au cours de la guerre de Cent ans, la ville a subi les dévastations des guerres de religion, puis à la période révolutionnaire la vente des biens nationaux et une écrasante présence militaire. Une décadence s’installe, enrayée à partir de 1830 par une activité industrielle centrée sur le port. De 1850 à 1870, c’est un renouveau brisé par l’arrivée à Luçon du chemin de fer (1870). La municipalité à la recherche de revenus obtient la construction d’une caserne modèle sur l’emplacement de l’ancien séminaire-collège (1910-1914).
L’implantation militaire provoque la mise en place de l’adduction d’eau potable, d’un réseau d’égouts et la construction d’un hôpital moderne.
Luçon n’était administrée sous l’Ancien Régime que par son assemblée de paroisse intermittente sous la tutelle de l’évêque, baron de la ville, et d’un subdélégué à Luçon de l’intendant de Poitiers. Elle est dotée d’une municipalité de plein exercice en 1790 qui accompagne l’expansion économique au XIXème siècle, met en place un ambitieux programme de construction scolaire (1879-1884) et installe une garnison à Luçon (1914).