L’exécution des volontés de P.H. Dumaine entraîne l’ouverture de nombreux dossiers à traiter en même temps. Concernant directement l’hôtel de ville et le jardin, il s’agit notamment de la grande salle de réunion , du prétoire de la justice de paix et du bureau de police, de la bibliothèque et de la maison du gardien .
1-Grande salle de réunion, prétoire de la justice de paix, bureau de police.
Ce qu’on appelle « l’ancienne mairie » (sur la place Belle Croix actuellement place Leclerc) est en fait un ensemble de services et de bâtiments : la mairie elle-même et ses annexes :
- -La grande salle de réunion
- -Le prétoire de la justice de paix
- -Le bureau de police
Démolir la mairie, c’est donc devoir reloger rapidement ces 3 services dans une partie du terrain Dumaine ; l’idée d’installer ces annexes dans les maisons Girard et Vinçonneau après expiration de leur bail (séance du 10 mars 1872) ayant été abandonnée.
Les séances du conseil municipal ne nous renseignent malheureusement pas sur l’emplacement exact de ces annexes, (construites dans l’angle S.E. du jardin entre le bureau de la police municipale actuel et le théâtre Millandy), ni sur les plans (ce sont pourtant les seules constructions entièrement nouvelles, les autres ouvrages entrepris étant des travaux d’aménagements ou de consolidations) ni sur les discussions qu’ils ont dû engendrer.
Dès le 28 février 1873, M. Gaudineau propose donc un projet à 33200 francs. La somme est montée à 35711,19 francs lors de la séance extraordinaire du 27 mars (cette somme comprend également le devis de la maison Dumaine et la démolition de l’ancienne mairie). Le conseil adopte cependant les plans et devis, la somme étant couverte par le produit de la vente des prés légués par M. Dumaine et de son mobilier, complétée par un excédent de l’exercice 1872. Dans les faits , (un an pratiquement plus tard,le 21 février 1874) le devis sera dépassé de 4748,91 francs, comme l’annonce M. Gaudineau au conseil qui « après échanges de quelques observations » (on peut imaginer les critiques entendues par le maire) vote cependant la somme demandée. La construction des bâtiments est terminée officiellement le 2 juin 1875, M. Ballereau, architecte, ayant définitivement accepté les travaux qu’il a dirigés .
2- La bibliothèque
On comprend qu’ayant siégé comme conseiller municipal pendant 30 ans dans la vieille mairie dont il a pu remarquer la vétusté , M. Dumaine ait décidé de léguer sa maison à Luçon pour y installer le nouvel hôtel de ville. On comprend aussi qu’en tant que médecin il ait voulu offrir à la population un havre d’air pur par la transformation de son jardin en jardin public gratuit. Mais pourquoi P.H . Dumaine tient-il tant à la création d’une bibliothèque importante (10000 francs est une énorme somme) dédiée en particulier au monde ouvrier ? C’est que s’intéresser au social est un sujet dans l’air du temps.
Depuis les barricades de 1848 en particulier, une partie du patronat s’est aperçue de la misère ouvrière et redoute les révoltes. Apparaît alors le paternalisme industriel, qui sous couvert d’amélioration des conditions de vie des ouvriers, permet de les encadrer et de les contrôler. Dumaine n’a pas d’usine mais s’est intéressé très tôt à la vie de Luçon et de ses habitants. C’est ainsi qu’il demande dans son testament la création d’une bibliothèque pour « l’instruction dans toutes les classes et surtout celle des ouvriers ». Mais par problème de gestion financière avant tout, son souci n’est pas partagé par le maire, M. Gaudineau, quand on voit le temps mis à traiter ce sujet (cinq ans!) et la façon dont il en parle :
- -“Dépense d’une bibliothèque imposée par le testament“. (19 septembre1872).
- – “Acquisition de la bibliothèque imposée par le testament” (Séance du 3 juin 1873).
- -“La ville est obligée d’acheter pour 8 à 10000 francs de volumes“. (Séance du 3 août 1873).
- -“Les fournitures composant la bibliothèque imposée à la ville“. (Séance du 2 juin 1875).
Aucune autre mesure voulue par P. H. Dumaine n’est aussi discriminée par ce côté ” forcé ” et visiblement mal accueilli. On remarquera au passage que M. Gaudineau inclut dans les 10000 francs destinés à la bibliothèque le prix des travaux nécessaires à son installation. (Le 28 octobre 1872, M. Gaudineau envoie une lettre au Sous Préfet en lui faisant remarquer que la bibliothèque est une charge pour la commune et non un avantage. Il s’était entretenu à ce sujet à la préfecture).
Il ne faut donc pas compter pour le local sur une construction nouvelle ni sur de grands aménagements. Le 3 mars 1873, le maire propose une pièce de la mairie au premier étage. Un an plus tard, 21 février 1874, on décide d’installer la bibliothèque dans l’appartement situé au-dessus du cabinet du maire. Les plans et devis sont modifiés en conséquence. Les travaux s’élèvent à 2000 francs (19 juin 1874) .
Qui dit bibliothèque dit livres et bibliothécaire. Après consultation de deux libraires différents, le choix du maire s’était arrêté sur la maison Hachette. Celle-ci avait été contactée en septembre 1872 pour fournir les ouvrages nécessaires. Elle avait accepté un paiement échelonné. Le 3 juin 1873 Monsieur le maire reprend le dossier « il a été impossible de s’occuper plus tôt de cette affaire en égard aux travaux d’appropriation en cours d’exécution » . Le 3 août 1873, le Conseil accepte les conditions du règlement et décide de nommer une commission chargée de dresser la liste des ouvrages. A la session du 11 février 1875, M. Gaudineau annonce que la commission a été installée, soit un an et demi plus tard ! La consultation des séances du Conseil ne nous renseigne pas malheureusement sur le nombre et le choix des livres 1 . Le 27 août 1874, M. le maire avait fait connaître au Conseil que « Monsieur le ministre de l’instruction publique avait mis à la disposition de la bibliothèque de la ville un certain nombre d’ouvrages qui arriveront incessamment ». Là encore on ne connaît aucun détail.
Reste à choisir le bibliothécaire . Le 11 février 1875, M Gaudineau annonce la candidature de M. Magnaud, retraité,pour remplir ce poste. Ses appointements sont fixés à 300 francs le 2 juin 1875. La bibliothèque sera ouverte au public les dimanche, mardi, jeudi et vendredi de 12h00 à 16h00. Le Conseil approuve et demande, pour en faciliter davantage l’accès aux ouvriers, que la bibliothèque soit ouverte aussi le soir des dits jours de 18 à 21h00 durant l’hiver. La commission est chargée de traiter avec M. Magnaud cette allonge de temps et l’augmentation des appointements devant en résulter.
À cette même session du 2 juin 1875, le paiement du premier cinquième dû à Monsieur Hachette est inscrit aux dépenses extraordinaires pour l’année 1875 pour la somme de 1500 francs, les 300 francs d’intérêt ayant été payés en 1874. Le 20 mai 1876, le conseil vote le budget communal de 1877 et dans les dépenses extraordinaires la somme de 3000 francs pour M Hachette (2/5ème). Dans les dépenses extraordinaires lors de la séance du 8 juin 1877 (budget pour 1878), est prévu le remboursement des deux cinquième (3000f) mais seulement 1500 f seront réglés. Puis le 7 juin 1878, M. Deshayes est alors maire de Luçon, il est prévu dans les dépenses extraordinaires du budget 1879, le remboursement de la somme due à Monsieur Hachette de 1511,60 f. C’est donc sous l’administration du successeur de Monsieur Gaudineau que la question du règlement de la bibliothèque sera définitivement réglé .
3-La maison du gardien .
Dans son second testament qui confirme et complète le premier, P.H. Dumaine demande que son domestique et jardinier M. François Bizet, en place depuis 45 ans, continue à habiter sa maison en qualité de concierge avec un traitement payé par la ville. Or le jardin a 2 entrées : la première rue des Capucins (actuellement rue de l’hôtel de ville) la seconde allée Saint-François. Par ailleurs sa superficie est trop importante à entretenir pour un seul homme, surtout âgé comme M. Bizet. Le maire propose donc, à la séance du 19 juin 1874, de lui adjoindre un aide actif et compétent qui fera également fonction de gardien les dimanches et jours de fête puis plus tard de portier à l’entrée par l’allée Saint François. Il propose à cet effet M. Angibaud aux appointements de 800 francs (même salaire que le jardinier) moins la valeur du logement que la ville lui fournira par la suite. Le Conseil donne son accord.
À la session ordinaire du 11 février 1875, M. Gaudineau, toujours soucieux des intérêts financiers de la ville, propose, au lieu de construire une maison à la porte du jardin côté allée Saint-François, d’acquérir l’immeuble mis en vente par les héritiers Dumaine situé entre le jardin public et la rue neuve des Capucins. Le Conseil se range à cet avis et charge monsieur Deshayes de s’enquérir des intentions précises des propriétaires.
Le 2 juin 1875, Monsieur le maire avise donc le Conseil que la maison a été achetée pour y loger le gardien dans la partie adjacente à la propriété communale et que le reste sera aliéné afin d’être revendu. Une commission composée de M.M. Hibert, Poeydavant et de la Bauduaire est chargée de faire un rapport sur la question. Le 14 juillet 1875 M. Poeydavant propose de garder la chambre haute et la chambre basse qui sont le long du jardin et de vendre le reste. Le Conseil donne son accord. Le 17 février 1876 il vote, moyennant la somme de 14000 francs, l’acquisition de la maison. M. Gaudineau rappelle le 20 mai 1876, que cette somme comprend l’ensemble de l’immeuble qui constitue 2 habitations et que la partie non gardée par la mairie, plus importante, est destinée à être revendue (la maison étant alors occupée par monsieur Durand conducteur des ponts et chaussées, est désignée sous le nom de maison Durand).
À la séance extraordinaire du 27 septembre 1876, M. Gaudineau avise le Conseil qu’un acquéreur s’est présenté, M. Mathonneau, aubergiste, et qu’il en propose la somme de 7000 francs. Le Conseil refuse puisque la partie à vendre est plus grande que celle conservée et en demande 10000 francs. Il décide par ailleurs que le mur de séparation se fera à frais communs.
Le 8 octobre 1876, M. Gaudineau annonce que M. Mathonneau, accepte le prix de 10000 francs. Profitant que le Conseil soit bien disposé suite à cette bonne nouvelle, il l’avise qu’un propriétaire riverain, M. Loué, architecte, a mis la ville en demeure de reconstruire, à frais communs, le mur en pierres sèches qui sépare son immeuble de la maison Durand. M. le maire se demande s’il ne devrait pas, en toute loyauté, avertir M. Mathonneau de ces frais supplémentaires. Le Conseil, grand seigneur, s’inspirant du sentiment de loyauté et de justice invoqué par M. Gaudineau décide après délibérations, que la ville prendra en charge les frais de la reconstruction du mur séparatif, lequel sera fait en moellons
A la séance extraordinaire du 24 avril 1877 Monsieur le maire informe le Conseil que le devis concernant le mur de séparation à construire entre la maison du gardien et celle de M. Mathonneau et le mur du jardin à frais communs avec M. Loué s’élève avec l’appropriation à 1577, 34 francs Le Conseil approuve cette dépense.
4 – A la session ordinaire du 12 août 1875 présidée par Mr Gaudineau Maire,« Mr Vrignaud émet le vœu, que tout le Conseil approuve , qu’à l’avenir le nom officiel du jardin public porte le nom du donateur soit le Jardin Dumaine ». (Au décès de M. Dumaine, sa propriété donnée à la ville s’appelait La Paumerie)
Suite au prochain épisode….
- Dans une des lettres de M Gaudineau datée du 7 juin 1875 et adressée à M Hachette, quelques livres ont été oubliés lors du dernier envoi. (Ce qui nous donne une petite idée des livres choisis par la commission du conseil créée pour la bibliothèque.)
-13ème volume des mémoires de Saint Simon
– 7ème volume Economie Industrielle
– 2ème volume Virgile Poissonneau 1872
-1 volume Ronsard – Edition Noël Didot 1862
-Machiavel ↩︎