Il reste, en ville, peu de traces significatives pouvant rappeler le passé maritime et portuaire de Luçon.
Les quais, la rue du Port, celle du Port Macquignon, le quartier Saint Sauveur l’évoquent, sans plus. Devant la borne n°5 du circuit historique de la ville, Il faut un peu d’imagination au visiteur pour se mettre dans l’ambiance de l’activités des quais, de ses entrepôts et magasins, des métiers qui en vivaient, du trafic du chemin de fer qui le desservait, voir des loisirs nautiques que nos anciens ont encore connus. Le port fut comblé en 1978-1980.
Luçon est né de la mer au sens propre du terme. Situé sur le rivage du golfe des Pictons son port naturel (à l’emplacement du quartier actuel du port Macquignon ?) accueillit ses premiers habitants, servit de refuge à ses premiers migrants (Lucius ?), amena l’établissement de moines qui y fondèrent la première abbaye (saint Philbert, VIIe siècle) et y subit ses premières invasions (Normands, IXe siècle). Le golfe s’envasant, la mer s’éloignant de la côte, Luçon préservait néanmoins son activité maritime par son cordon ombilical que constituait le canal qui le reliait – et qui le relie toujours – à la baie de l’Aiguillon et à la mer. Canal naturel qui frayait son chemin dans la continuité de la rivière de Luçon ou canal redressé par la main de l’homme au milieu des vases mouvantes au gré des marées, probablement les deux à la fois. Canal et port constituaient une artère vitale pour la vie et le développement de la cité, devenue épiscopale en 1317. Au terme d’un long conflit, qui en soulignait l’importance, entre le seigneur de Champagné et le chapitre cathédral de Luçon, ce dernier fut reconnu seul responsable de l’entretien et de la gestion (1760) : il en perçut les droits jusqu’à la Révolution. Ce n’est qu’en 1740, avec la construction de l’écluse de « la porte du Chapitre », à 12 km de la ville, que le canal put être fermé sur la mer permettant au port de rester en eau, sans être soumis aux marées. Avec le temps, le canal avait pris sa place au milieu du marais – dont le dessèchement se poursuivit jusqu’au milieu du XXe siècle. Situé sur la rive occidentale, son chemin de halage2 constitua longtemps une artère vitale pour se rendre à Triaize et dans le marais maritime ou encore pour garantir le contrôle de La Rochelle, à l’époque de ses sièges.
La deuxième moitié du XIXe siècle marqua l’âge d’or du port de Luçon. Les travaux d’aménagement du port, à l’emplacement qu’on lui connait actuellement, et de mise au gabarit de navigabilité du canal pour les gabarres jusqu’à 50/60 tonneaux, l’aménagement d’une écluse à sas, d’un perrée et de cales de radoub à « la Coupe » (les traces y sont toujours visibles) par l’entrepreneur Daviau – à qui canal et port avaient été concédés (1824-1868) – amenèrent un fort développement du trafic, à tel point que le port de Luçon devint le plus important du département.
Dans un article pour les « Amis du Vieux Luçon », Monsieur Rémi Lussaud rappelait, il y a plus de quarante ans, que, dans les années 1860, le trafic du port de Luçon dépassait ceux de L’Aiguillon-Moricq, des Sables d’Olonne et de Saint-Gilles.
« La suprématie du port de Luçon, au XIXe siècle, est avérée ». Mais, configuration géographique et progrès technique nuirent à son développement. Et Mr Lussaud de commenter : « En effet, en raison des dimensions normales du canal, les navires de 50 ou 60 tonneaux peuvent seuls monter aux quais de Luçon. Il s’ensuit que dans la proportion des quatre cinquièmes, les navires de tonnage moyen s’arrêtent, dès 1868, au lieudit la « Pointe aux Herbes », à quinze kilomètres des quais. De là des frais inévitables de transport par bateaux allégés (…). Ensuite, les écluses du canal au lieudit les « Portes du Chapitre » ne s’ouvrent à la navigation qu’aux heures de haute marée de jour. (…) De là des lenteurs, des pertes d’argent et de temps.»
Tout est dit dans ce propos sur l’origine du déclin du port de Luçon, malgré le redressement du canal, supprimant les méandres de Virecourt et la construction de la grande écluse à sas de la « pointe aux Herbes », en 1867-1868. Il aurait fallu mettre le reste du canal en grand gabarit (projet, entre autres, de H. Dumaine) pour éviter les ruptures de charge et pour pouvoir faire accéder au port des caboteurs aux plus forts tonnages (120 tonneaux, voire plus). Cela représentait des investissements énormes que la concurrence du chemin de fer, arrivé à Luçon en 1869 et desservant le port dès 1880, a dissuadés. Et encore ne parlons pas des coûts supplémentaires qu’il aurait fallu engager pour consolider et entretenir les berges afin de permettre la navigation à moteur.
Dès lors le trafic du port n’arrêta pas de décliner. De 744 mouvements de navires en 1869, il passa à 300 en 1872 et 170 en 1880. Son envasement l’accéléra. Mr Lussaud l’écrit : « (…) au fil des années, l’étouffement du canal par les vases devint une telle réalité, que ce fut l’ennemi n° 1, si bien que cet envasement (…) signait finalement l’arrêt de tout trafic sur le canal de Luçon, en 1934 ».
Le port continua de faire partie du paysage luçonnais jusqu’en 1974, année où commença son comblement. Le port de commerce, sans véritable trafic, n’était plus qu’un bassin, support périodique de fêtes nautiques. Il ne constituait plus un but de promenade pour les habitants, le jardin Dumaine, depuis son legs à la ville (1872), s’y substituant progressivement.
Des projets ou des annonces sortent régulièrement en vue, non d’une réhabilitation, hors de propos, mais d’un aménagement rappelant le passé maritime de Luçon et l’existence d’un canal, actuellement peu visible depuis la ville. Aucuns n’ont abouti. La construction d’une piscine à cet emplacement n’est qu’un compromis.
Notes
(1) Pour une présentation plus complète, on pourra se reporter au travail de Monsieur Maurice Ferré : « Luçon, son canal et son port », édité par l’ACPM en 1993 (réédité dans Au Fil du Lay, n°61, 2013)
(2) Actuellement partie du réseau départemental des « Sentiers Cyclables » de Vendée et branche de la Vélodyssée ; il constitue, pour les promeneurs, un excellent observatoire du « marais désséché ».