E n 1906, Julien David, déjà très malade, s’occupe toujours avec intérêt de l’embellissement du jardin. Sa seconde grande initiative va être la mise en eau de celui-ci.

– Le service d’eau
A la session extraordinaire du 29 août 1906, M. Jolly, adjoint, annonce au Conseil une importante communication. M. Julien David a l’intention en effet de prêter à la Ville la somme nécessaire pour l’établissement du service d’eau au Jardin Dumaine, avec bassin, rocailles, cascadelles, jets d’eau … Il donne tout pouvoir au Conseil pour faire utile et ” bien et même très bien”. La Ville lui versera en retour une rente viagère de 5% sur le capital dépensé.
Le Conseil accepte avec gratitude et empressement un tel projet, permettant de réaliser un des vœux les plus chers des Luçonnais. Le rapporteur écrit avec enthousiasme ” avec un service d’eau, notre jardin public, déjà si joli, d’un caractère si spécial, si plein d’imprévu, n’aura plus rien à envier à ceux des plus grandes villes et fera à juste titre, l’admiration des étrangers “.
A la session extraordinaire du 17 octobre1906, M. Jolly fait lire le rapport établi par les commissions réunies du Jardin Dumaine et des travaux.
Au début, il était question d’une pièce d’eau de 600 m2 avec rocaille et chute d’eau, pour une dépense estimée entre 15 à 20 000 f. Mais M. David veut porter la superficie à 900 m2 , convertir les deux piliers du pont actuel en rocailles et prolonger la pièce d’eau sous ce pont. De plus, il veut créer un autre bassin en face du kiosque avec sujet en fonte au milieu et jets d’eau. La dépense est ainsi portée à 37 000 f, honoraires de l’architecte et imprévus non compris.
M. David accepte le projet tel qu’il est présenté, si le Conseil, qui a de son côté entièrement carte blanche pour le réaliser, l’approuve.
Le problème tient au remboursement du capital engagé. Si le 29 août 1906, M. Jolly pouvait s’engager à verser une annuité de 5% sur une dépense de 15 à 20 000 f, il ne peut plus le faire pour une somme qui a plus que doublé. Au Conseil de donner son avis et de trouver les crédits nécessaires.
Ce dernier accepte le projet dans son entier soit :

A- pour le premier projet :
1-une pièce d’eau en forme d’étang d’environ 900 m2, à l’emplacement actuel du parc aux biches qui sera transféré derrière la grande salle près des quinconces. Un îlot conservera les deux peupliers d’Italie.
2-Un rocher de granit de 8 m de façade, d’où tombera une cascade rejoignant la pièce d’eau sous un pont rustique. Une allée permettra de passer sous la cascade le rocher faisant caverne.
3-La transformation du pont actuel en pont de rocher en granit.
4- Un passage à gué, sur de grosses pierres, pour traverser la partie rétrécie de l’étang vers le pont.
B- Pour le second projet :

1-Un bassin octogonal d’environ 12 m de diamètre face au kiosque, avec vasque en fonte, naïades et jets d’eau. La pelouse à cet endroit sera totalement supprimée et remplacée par quatre parterres à la française disposés en arc de cercle autour du bassin, avec, en leur milieu, les quatre vases de Sèvres sur piédestal actuellement placés sur les piliers de la grille d’entrée.
2-Les puits, cuves, moteurs et pompes nécessaires au bon fonctionnement du service d’eau, qui seront installés dans le petit jardin potager près du colimaçon.
Reste à financer les 1900 f de rente viagère à forfait versée à M. David pour un capital de 38 000 f minimum. M. Jolly propose de les prélever sur le budget affecté à l’acquisition d’un terrain pour un établissement d’instruction pour les jeunes filles, ” le reste pouvant, avec diverses combinaisons, suffire à assurer, la réalisation du programme scolaire que le Conseil a en vue “. (Sans commentaires !..). La rente de 1900 f sera versée par moitié, chaque semestre, le 30 juin et le 31 décembre de chaque année. Le Conseil donne son accord. Comment ne l’aurait-il pas fait, devant le lyrisme du rapporteur qui conclut ainsi : ” Sa réalisation fera incontestablement de notre jardin public un des plus beaux et des plus intéressants de province. Son caractère spécial, mi-jardin mi-parc, ses genres différents, féconds en surprise qui le rendent si captivant pour les visiteurs, rien ne sera changé. Mais l’eau, tantôt en bassin régulier avec jets d’eau variés et gracieux, tantôt en nappe large et calme où se refléteront le ciel et les grands arbres, tantôt en cascade bruyante et écumante et en torrent impétueux et capricieux en augmentera puissamment l’intérêt et le pittoresque, y apportera la vie et le mouvement, tout en permettant d’entretenir toutes les plantations dans un état constant de beauté et de fraîcheur. Certes, Messieurs, la dépense se traduit par un chiffre important (…) . Mais, Messieurs, votre commission est persuadée que devant la beauté de ce projet, dont la réalisation est depuis si longtemps désirée par la population luçonnaise qui considère à juste titre que son jardin public est le plus bel ornement de la ville, vous saurez trouver les combinaisons financières(…) “. ?
M. David s’était engagé pour 41 000 f. Les travaux s’élèveront à plus de 50 000 f (matériel plus performant, besoin de rocailles supplémentaires, etc).La ville prend en charge la différence.
L’inauguration du jardin aussi considérablement embelli se fait le 29 septembre 1907.
Moins d’un an après, le 5 juin 1908, les Luçonnais apprennent avec tristesse le décès de Julien David à son domicile, rue de la Baleine. En dehors de quelques particuliers, il a fait de la Ville sa légataire universelle. En reconnaissance de tous ses bienfaits, le Conseil décide de donner son nom à la rue de la Baleine, qui devient donc la rue Julien David, et de faire faire son portrait (pour la somme de150 f). Il sera placé dans la salle des séances, comme celui de M. Dumaine . Mais il faudra attendre 2025, pour que Julien David ait aussi son buste sculpté dans le jardin, à proximité du kiosque et du bassin des naïades. Les deux grands bienfaiteurs de la ville sont enfin réunis au regard des visiteurs.